TRAITEMENT AMIABLE DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES SELON LE DROIT OHADA
L’entreprise est une entité morale, dotée de
la personnalité juridique qui exerce dans un domaine d’activité bien donné,
dans un but lucratif. Le développement économique des Etats est tributaire du développement
de l’entreprise. C’est pourquoi, lorsque l’entreprise traverse des difficultés
susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur l’économie des Etats, le
législateur OHADA va consacrer un certain nombre de procédures parmi lesquelles
figure le traitement amiable. Ce traitement amiable intervient avant que l’entreprise
en difficulté ne soit en cessation de paiement.
Ainsi, de quels
mécanismes disposent les entreprises en difficulté pour la mise en œuvre du
traitement amiable ?
Ces mécanismes consacrés
par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement
du passif, sont la conciliation (I) et le règlement préventif (II).
arieldehi10@gmail.com
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I-
LA CONCILIATION : UNE INNOVATION DE
L’OHADA
A l’acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif signé le 10 avril
1998 à Libreville succède un nouvel acte uniforme dans la même matière adopté
le 10 septembre 2015 à Grand-Bassam. Cette réforme institue la procédure de la conciliation, en précisant
ses conditions d’ouverture (A), son déroulement et son issue (B).
A- OUVERTURE DE LA
CONCILIATION
L’ouverture de la
procédure de conciliation obéie à des conditions de fond (1) et des conditions
de forme (2).
1-
Conditions
de fond : les personnes visées par la procédure de conciliation
Selon les dispositions
l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif, les personnes pouvant faire l’objet de l’ouverture d’une procédure
collective sont toute personne physique exerçant une activité professionnelle
indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne
morale de droit privé, ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la forme
d’une personne morale de droit privé.
Concernant les personnes
physiques, jusqu’à la reforme la position du droit OHADA était simple :
seules les personnes physiques
commerçantes pouvaient faire l’objet d’une procédure collective.
Mais, depuis la réforme
le champ d’application des procédures collectives s’est étendu aux personnes
physiques menant une activité professionnelle indépendante, civile, artisanale
ou agricole.
En effet, désormais même
les membres de la profession libérale n’échapperont plus aux procédures
collectives. Le critère ne tient plus à la commercialité du débiteur comme par
le passé, mais tient à l’exercice indépendant d’une activité professionnelle.
Concernant les personnes morales, la
conciliation intéresse les entreprises qui connaissent de difficultés avérées
ou prévisibles, mais qui ne sont pas encore en état de cessation de paiement. Cette
condition marque la différence entre la conciliation et le règlement préventif.
Il faut aussi noter que
le juge intervient dans la procédure de conciliation.
2-
Les
conditions de forme : l’intervention du juge
Selon l’article 3 de
l’AUPCAP la procédure de conciliation relève de la compétence du président de
la juridiction compétente en matière de procédures collectives.
Aussi, selon l’article
3-1 la juridiction territorialement compétente
est celle dans le ressort de laquelle le débiteur, personne physique a son
principal établissement, ou le débiteur personne morale a son siège social.
Dans le cas où le principal établissement ou le siège social est à l’étranger,
c’est la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le principal centre
d’exploitation du débiteur personne physique ou personne morale sur le territoire
national qui est compétent.
Par ailleurs, l’Acte
uniforme retient que le président de la juridiction compétente doit être saisi
par une requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers.
C’est dire que les créanciers seuls ne peuvent être à l’origine d’une procédure
de conciliation.
De plus, la procédure de
conciliation est ouverte par le président de la juridiction compétente statuant
à huis-clos pour une durée n’excédant pas 3 mois. Cette durée peut être
prorogée d’un mois par décision spécialement motivée du président de la
juridiction compétente, à la demande du débiteur après avis écrit du
conciliateur.
La conciliation prend fin
à l’expiration de ces délais et une nouvelle procédure de même nature ne peut
plus être ouverte avant l’écoulement d’un délai de trois mois.
La décision ouvrant ou
rejetant la conciliation ne peut faire l’objet d’aucune publicité selon
l’article 5-3 AUPCAP.
La décision d’ouverture
de la conciliation ne suspend pas les poursuites individuelles. Mais, cette
mesure peut être prise à l’encontre d’un créancier dont les actions sont susceptibles
de paralyser la mission du conciliateur.
B-
DÉROULEMENT
ET ISSUE DE LA CONCILIATION
Le déroulement et l’issue
de la conciliation sont prévus par les dispositions de l’article 5 de l’AUPCAP.
Le conciliateur a pour mission d’aider le débiteur à parvenir à un accord
amiable avec ces créanciers et ses cocontractants.
Il rend compte
régulièrement au président de la juridiction compétente. En cas de survenance
de la cessation de paiement il doit en informer le président de la juridiction
compétente afin qu’il prenne les mesures qui s’imposent.
L’accord signé entre le
débiteur et le créancier est confidentiel. Cependant, lorsque l’accord contient ce que l’on peut
appeler « le privilège de l’argent frais » la décision
homologuant est publié et, l’opposition et l’appel sont admis dans un délai de 15
jours. Le privilège de l’argent frais est le privilège accordé aux
personnes qui ont consenti ou fourni, dans l’accord de conciliation, dans le
concordat préventif ou judiciaire, un nouvel accord en trésorerie ou un nouveau
bien ou service au débiteur en vu d’assurer la poursuite de l’activité de
l’entreprise débitrice et sa pérennité. Il prend effet en cas de transformation
des autres procédures en procédures de liquidation de bien.
Sur les créanciers
signataires, l’accord a pour effet d’interdire ou d’interrompre toute poursuite
individuelle dans le but d’obtenir les paiements des créanciers qui ont font
l’objet.
Les créanciers peuvent
demander la résolution de l’accord en cas de non-respect.
L’ouverture d’une
procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens met fin de plein droit à la conciliation et le cas échéant à l’accord
(article 5-14 de l’AUPCAP)
Qu’en est-il du règlement
préventif ?
Selon les dispositions l'Acte uniforme, le règlement
préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la
cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif
au moyen d'un concordat préventif (article 2). Une fois ouverte (A) la
procédure de règlement préventif connait un déroulement et une issue (B), puis il
intervient l’exécution et les effets de la décision homologuant le concordat
préventif (C).
A-
L’OUVERTURE
DU RÈGLEMENT PRÉVENTIF
Selon l’article 6 de l’AUPCAP le règlement
préventif est ouvert au débiteur qui
sans être en état de cessation de paiement, justifie de difficultés financières
ou économiques sérieuses. Il faut souligner que l’ouverture du règlement
préventif se fait par voie de requête en reglement préventif, initiée par le
débiteur lui-même ou conjointement avec un ou plusieurs créanciers, et déposé
au greffe de la juridiction compétente contre récépissé.
Aussi, la requête doit, sous peine d’irrecevabilité,
être accompagnée de certains documents qui sont :
-
Une attestation émanant du débiteur par
laquelle il déclare sur l’honneur ne pas être en cessation de paiements ;
-
Si le débiteur propose une personne en qualité
d’expert au règlement préventif conformément à l’article 8 alinéa 1, un
document indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de cette personne et
une attestation de cette dernière précisant qu’elle remplit les conditions
prévues aux articles 4-1 et 4-2 ;
-
Le cas échéant, un document indiquant les
noms, prénoms, qualités et domiciles des personnes qui envisagent de consentir
un nouvel apport en trésorerie ou de fournir un nouveau bien ou service dans
les conditions de l’article 11-1, avec l’indication du montant de l’apport ou
de la valeur du bien ou du service ;
-
Un projet de concordat préventif ;
-
Le cas échéant, un document indiquant les
noms, prénoms et domicile des créanciers qui se joignent à la demande du
débiteur, et le montant de leurs créances et leurs créances et des éventuelles
sûretés dont elles sont assorties.
Si le projet de concordat est sérieux, le président de
la juridiction compétente ouvre la procédure de règlement préventif et désigne
un expert au règlement préventif qui satisfait aux critères du conciliateur
dans la procédure de conciliation, lequel est chargé de faire un rapport sur la
situation financière du débiteur et les perspectives de redressement (Article
8).
Une innovation majeure ici consiste dans le pouvoir
conféré au président de la juridiction saisie de juger du caractère sérieux du
projet de concordat. Sous l'ancien régime, dès réception de la requête et des
pièces, il rendait immédiatement une ordonnance de suspension des poursuites
individuelles et désignait l'expert devant faire le rapport. Désormais, il
examine si le projet de concordat est sérieux avant d'ouvrir la procédure de
règlement préventif
B-
LE
DÉROULEMENT ET L'ISSUE DE LA PROCÉDURE DE RÈGLEMENT PRÉVENTIF
La décision d'ouverture du règlement préventif suspend
ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant au recouvrement des
créances nées antérieurement à ladite décision, pour une durée de 4 mois au
maximum. A peine de nullité de droit, ladite décision interdit au débiteur entre
autres de payer en tout ou en partie les créances nées antérieurement à ladite
décision, de faire tout acte de disposition étranger à l'exploitation normale
de la société ou de consentir une sûreté. Cette décision est susceptible
d'appel des créanciers et du ministère public dans un délai de 15 jours à
compter de la première publicité prévue à l'article 37 s'ils estiment que le
débiteur est en cessation des paiements.
Par ailleurs, l’expert au règlement préventif remplit
sa mission dans les mêmes conditions que le conciliateur dans la procédure de
conciliation. Il rend régulièrement compte au président de sa mission et le
tient informé de la situation financière du débiteur.
Dès le dépôt du rapport de l'expert, le président de
la juridiction saisie convoque sans délai les parties prenantes (le débiteur,
l'expert et tout créancier pouvant être entendu). Il doit se prononcer au plus
tard dans les 30 jours qui suivent sa saisine.
Si le rapport n'est pas déposé dans le délai imparti
ou si la juridiction n'est pas saisie ou ne se prononce par dans le délai de
trente jours à compter de sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein
droit et les créanciers et le débiteur recouvrent chacun leur liberté d'action.
Cette innovation est très importante en ce qu'on ne peut plus assister à des
suspensions de poursuites interminables comme par le passé, suspensions qui
n'étaient devenues que des moyens juridiques habiles pour torpiller les
créanciers et ne pas les payer.
Ainsi, le président de la juridiction qui constate que
des créanciers ont refusé de consentir des délais ou remises au débiteur
s'investit et provoque de nouvelles négociations pour que les parties
parviennent à un accord. Si malgré cette
implication un accord n'est pas trouvé et si le concordat préventif comporte
une demande de délai n'excédant pas deux ans, la juridiction peut rendre ce
délai opposable à tous les créanciers qui ont refusé tout délai ou toute
remise, à condition que cela ne mette pas en péril l'entreprise des créanciers
(art.15 AUPC). Dans ce cas, seul le délai leur est opposable et non les remises
consenties au concordat.
En outre, le président peut constater que la situation
du débiteur ne relève d'aucune procédure collective, il peut également rejeter
le concordat préventif proposé et dans ce cas le règlement préventif prend fin
immédiatement et les parties reprennent leur liberté de mouvement. La décision
ainsi rendue est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours à compter de son
prononcé.
Enfin, le président de la juridiction homologue le
concordat préventif si les conditions sont réunies, par une décision qui met
fin aux missions de l'expert. Les délais consentis ne doivent pas excéder 3 ans
pour l'ensemble des créanciers et un an pour les salariés.
C- L’EXÉCUTION ET LES EFFETS DE LA DÉCISION HOMOLOGUANT LE CONCORDAT PRÉVENTIF
Cette décision peut désigner d'office ou à la demande
du débiteur ou d'un créancier un syndic et/ou un ou des contrôleurs chargés de
surveiller l'exécution du concordat homologué. Il désigne également un
juge-commissaire qui contrôle les activités du syndic ou des contrôleurs,
lequel lui adresse un rapport tous les trois mois ou à sa demande.
La décision d'homologation est susceptible d'appel des
créanciers et du ministère public dans le délai de 15 jours à compter de son
prononcé pour le ministère public, à compter de la première mesure de publicité
pour les créanciers.
Le concordat préventif homologué s'impose à toutes les
parties prenantes, notamment les créanciers antérieurs et le débiteur. Le
syndic ou les contrôleurs désignés contrôlent l'exécution du concordat
préventif et signalent tout manquement au juge-commissaire. Ils lui rendent
compte tous les trois mois du déroulement de leurs missions.
La rémunération du syndic en qualité de contrôleur est
désormais encadrée et enfermée dans un barème institué à l'article 4-19.
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