TRAITEMENT AMIABLE DES ENTREPRISES EN DIFFICULTES SELON LE DROIT OHADA

                               https://www.facebook.com/AD.Lejuriste/?ref=bookmarks

  L’entreprise est une entité morale, dotée de la personnalité juridique qui exerce dans un domaine d’activité bien donné, dans un but lucratif. Le développement économique des Etats est tributaire du développement de l’entreprise. C’est pourquoi, lorsque l’entreprise traverse des difficultés susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur l’économie des Etats, le législateur OHADA va consacrer un certain nombre de procédures parmi lesquelles figure le traitement amiable. Ce traitement amiable intervient avant que l’entreprise en difficulté ne soit en cessation de paiement.
Ainsi, de quels mécanismes disposent les entreprises en difficulté pour la mise en œuvre du traitement amiable ?
Ces mécanismes consacrés par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, sont la conciliation (I) et le règlement préventif (II).
                                  
                                            arieldehi10@gmail.com

I-                  LA CONCILIATION : UNE INNOVATION DE L’OHADA

A l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif signé le 10 avril 1998 à Libreville succède un nouvel acte uniforme dans la même matière adopté le 10 septembre 2015 à Grand-Bassam. Cette réforme institue  la procédure de la conciliation, en précisant ses conditions d’ouverture (A), son déroulement et son issue (B).
A-    OUVERTURE DE LA CONCILIATION
L’ouverture de la procédure de conciliation obéie à des conditions de fond (1) et des conditions de forme (2).
1-      Conditions de fond : les personnes visées par la procédure de conciliation
Selon les dispositions l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, les personnes pouvant faire l’objet de l’ouverture d’une procédure collective sont toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de droit privé, ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé.
Concernant les personnes physiques, jusqu’à la reforme la position du droit OHADA était simple : seules les personnes physiques  commerçantes pouvaient faire l’objet d’une procédure collective.
Mais, depuis la réforme le champ d’application des procédures collectives s’est étendu aux personnes physiques menant une activité professionnelle indépendante, civile, artisanale ou agricole.
En effet, désormais même les membres de la profession libérale n’échapperont plus aux procédures collectives. Le critère ne tient plus à la commercialité du débiteur comme par le passé, mais tient à l’exercice indépendant d’une activité professionnelle.
 Concernant les personnes morales, la conciliation intéresse les entreprises qui connaissent de difficultés avérées ou prévisibles, mais qui ne sont pas encore en état de cessation de paiement. Cette condition marque la différence entre la conciliation et le règlement préventif.
Il faut aussi noter que le juge intervient dans la procédure de conciliation.

2-      Les conditions de forme : l’intervention du juge

Selon l’article 3 de l’AUPCAP la procédure de conciliation relève de la compétence du président de la juridiction compétente en matière de procédures collectives.
Aussi, selon l’article 3-1 la  juridiction territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le débiteur, personne physique a son principal établissement, ou le débiteur personne morale a son siège social. Dans le cas où le principal établissement ou le siège social est à l’étranger, c’est la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le principal centre d’exploitation du débiteur personne physique ou personne morale sur le territoire national qui est compétent.
Par ailleurs, l’Acte uniforme retient que le président de la juridiction compétente doit être saisi par une requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers. C’est dire que les créanciers seuls ne peuvent être à l’origine d’une procédure de conciliation.
De plus, la procédure de conciliation est ouverte par le président de la juridiction compétente statuant à huis-clos pour une durée n’excédant pas 3 mois. Cette durée peut être prorogée d’un mois par décision spécialement motivée du président de la juridiction compétente, à la demande du débiteur après avis écrit du conciliateur.
La conciliation prend fin à l’expiration de ces délais et une nouvelle procédure de même nature ne peut plus être ouverte avant l’écoulement d’un délai de trois mois.
La décision ouvrant ou rejetant la conciliation ne peut faire l’objet d’aucune publicité selon l’article 5-3 AUPCAP.
La décision d’ouverture de la conciliation ne suspend pas les poursuites individuelles. Mais, cette mesure peut être prise à l’encontre d’un créancier dont les actions sont susceptibles de paralyser la mission du conciliateur.
                                       arieldehi10@gmail.com

B-    DÉROULEMENT ET ISSUE DE LA CONCILIATION

Le déroulement et l’issue de la conciliation sont prévus par les dispositions de l’article 5 de l’AUPCAP. Le conciliateur a pour mission d’aider le débiteur à parvenir à un accord amiable avec ces créanciers et ses cocontractants.
Il rend compte régulièrement au président de la juridiction compétente. En cas de survenance de la cessation de paiement il doit en informer le président de la juridiction compétente afin qu’il prenne les mesures qui s’imposent.
L’accord signé entre le débiteur et le créancier est confidentiel. Cependant, lorsque  l’accord contient ce que l’on peut appeler  « le privilège de l’argent frais » la décision homologuant est publié et, l’opposition et l’appel sont admis dans un délai de 15 jours. Le privilège de l’argent frais est le privilège accordé aux personnes qui ont consenti ou fourni, dans l’accord de conciliation, dans le concordat préventif ou judiciaire, un nouvel accord en trésorerie ou un nouveau bien ou service au débiteur en vu d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité. Il prend effet en cas de transformation des autres procédures en procédures de liquidation de bien.
Sur les créanciers signataires, l’accord a pour effet d’interdire ou d’interrompre toute poursuite individuelle dans le but d’obtenir les paiements des créanciers qui ont font l’objet.
Les créanciers peuvent demander la résolution de l’accord en cas de non-respect.
L’ouverture d’une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens met fin de plein droit à la conciliation et le cas échéant à l’accord (article 5-14 de l’AUPCAP)
Qu’en est-il du règlement préventif ?

       II-              LE RÈGLEMENT PRÉVENTIF
                                   arieldehi10@gmail.com

Selon les dispositions l'Acte uniforme, le règlement préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif (article 2). Une fois ouverte (A) la procédure de règlement préventif connait un déroulement et une issue (B), puis il intervient l’exécution et les effets de la décision homologuant le concordat préventif (C).


A-    L’OUVERTURE DU RÈGLEMENT PRÉVENTIF

Selon l’article 6 de l’AUPCAP le règlement préventif  est ouvert au débiteur qui sans être en état de cessation de paiement, justifie de difficultés financières ou économiques sérieuses. Il faut souligner que l’ouverture du règlement préventif se fait par voie de requête en reglement préventif, initiée par le débiteur lui-même ou conjointement avec un ou plusieurs créanciers, et déposé au greffe de la juridiction compétente contre récépissé.

Aussi, la requête doit, sous peine d’irrecevabilité, être accompagnée de certains documents qui sont :
-          Une attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne pas être en cessation de paiements ;
-          Si le débiteur propose une personne en qualité d’expert au règlement préventif conformément à l’article 8 alinéa 1, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de cette personne et une attestation de cette dernière précisant qu’elle remplit les conditions prévues aux articles 4-1 et 4-2 ;
-          Le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domiciles des personnes qui envisagent de consentir un nouvel apport en trésorerie ou de fournir un nouveau bien ou service dans les conditions de l’article 11-1, avec l’indication du montant de l’apport ou de la valeur du bien ou du service ;
-          Un projet de concordat préventif ;
-          Le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domicile des créanciers qui se joignent à la demande du débiteur, et le montant de leurs créances et leurs créances et des éventuelles sûretés dont elles sont assorties.
Si le projet de concordat est sérieux, le président de la juridiction compétente ouvre la procédure de règlement préventif et désigne un expert au règlement préventif qui satisfait aux critères du conciliateur dans la procédure de conciliation, lequel est chargé de faire un rapport sur la situation financière du débiteur et les perspectives de redressement (Article 8).
Une innovation majeure ici consiste dans le pouvoir conféré au président de la juridiction saisie de juger du caractère sérieux du projet de concordat. Sous l'ancien régime, dès réception de la requête et des pièces, il rendait immédiatement une ordonnance de suspension des poursuites individuelles et désignait l'expert devant faire le rapport. Désormais, il examine si le projet de concordat est sérieux avant d'ouvrir la procédure de règlement préventif

B-    LE DÉROULEMENT ET L'ISSUE DE LA PROCÉDURE DE RÈGLEMENT PRÉVENTIF

La décision d'ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant au recouvrement des créances nées antérieurement à ladite décision, pour une durée de 4 mois au maximum. A peine de nullité de droit, ladite décision interdit au débiteur entre autres de payer en tout ou en partie les créances nées antérieurement à ladite décision, de faire tout acte de disposition étranger à l'exploitation normale de la société ou de consentir une sûreté. Cette décision est susceptible d'appel des créanciers et du ministère public dans un délai de 15 jours à compter de la première publicité prévue à l'article 37 s'ils estiment que le débiteur est en cessation des paiements.
Par ailleurs, l’expert au règlement préventif remplit sa mission dans les mêmes conditions que le conciliateur dans la procédure de conciliation. Il rend régulièrement compte au président de sa mission et le tient informé de la situation financière du débiteur.
Dès le dépôt du rapport de l'expert, le président de la juridiction saisie convoque sans délai les parties prenantes (le débiteur, l'expert et tout créancier pouvant être entendu). Il doit se prononcer au plus tard dans les 30 jours qui suivent sa saisine.
Si le rapport n'est pas déposé dans le délai imparti ou si la juridiction n'est pas saisie ou ne se prononce par dans le délai de trente jours à compter de sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit et les créanciers et le débiteur recouvrent chacun leur liberté d'action. Cette innovation est très importante en ce qu'on ne peut plus assister à des suspensions de poursuites interminables comme par le passé, suspensions qui n'étaient devenues que des moyens juridiques habiles pour torpiller les créanciers et ne pas les payer.
Ainsi, le président de la juridiction qui constate que des créanciers ont refusé de consentir des délais ou remises au débiteur s'investit et provoque de nouvelles négociations pour que les parties parviennent  à un accord. Si malgré cette implication un accord n'est pas trouvé et si le concordat préventif comporte une demande de délai n'excédant pas deux ans, la juridiction peut rendre ce délai opposable à tous les créanciers qui ont refusé tout délai ou toute remise, à condition que cela ne mette pas en péril l'entreprise des créanciers (art.15 AUPC). Dans ce cas, seul le délai leur est opposable et non les remises consenties au concordat.
En outre, le président peut constater que la situation du débiteur ne relève d'aucune procédure collective, il peut également rejeter le concordat préventif proposé et dans ce cas le règlement préventif prend fin immédiatement et les parties reprennent leur liberté de mouvement. La décision ainsi rendue est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours à compter de son prononcé.
Enfin, le président de la juridiction homologue le concordat préventif si les conditions sont réunies, par une décision qui met fin aux missions de l'expert. Les délais consentis ne doivent pas excéder 3 ans pour l'ensemble des créanciers et un an pour les salariés.
                  
                                     https://www.facebook.com/AD.Lejuriste/?                                                                                                                    ref=bookmarks

C-    L’EXÉCUTION ET LES EFFETS DE LA DÉCISION HOMOLOGUANT LE CONCORDAT PRÉVENTIF

Cette décision peut désigner d'office ou à la demande du débiteur ou d'un créancier un syndic et/ou un ou des contrôleurs chargés de surveiller l'exécution du concordat homologué. Il désigne également un juge-commissaire qui contrôle les activités du syndic ou des contrôleurs, lequel lui adresse un rapport tous les trois mois ou à sa demande.
La décision d'homologation est susceptible d'appel des créanciers et du ministère public dans le délai de 15 jours à compter de son prononcé pour le ministère public, à compter de la première mesure de publicité pour les créanciers.
Le concordat préventif homologué s'impose à toutes les parties prenantes, notamment les créanciers antérieurs et le débiteur. Le syndic ou les contrôleurs désignés contrôlent l'exécution du concordat préventif et signalent tout manquement au juge-commissaire. Ils lui rendent compte tous les trois mois du déroulement de leurs missions.
La rémunération du syndic en qualité de contrôleur est désormais encadrée et enfermée dans un barème institué à l'article 4-19.

Commentaires

Articles les plus consultés